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L’URM, une histoire d’amitié et de passion

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L’Université Rurale Montagnarde basée à La Mure en Isère, s’est donné pour mission la réappropriation et la transmission des savoir-faire locaux relatifs au bâti ancien. Les savoirs patiemment élaborés par les habitants des montagnes du sud Isère, qui ont su habilement tirer parti des ressources locales, méritent toute notre attention. Leur sens de l’observation, leurs luttes et leur ingéniosité pour se construire un environnement vivable, sont aussi précieux qu’utiles : ils constituent autant de modèles d’adaptation et de solutions techniques intéressantes.

Ce patrimoine de connaissances et savoir-faire, s’il a permis la conservation du bâti d’autrefois, peut nous permettre aujourd’hui encore d’aborder l’avenir en répondant au mieux aux défis des changements écologiques en cours.

C’est ce passage de témoins et cette foi dans des solutions durables, que l’URM souhaite transmettre grâce à des chantiers écoles et des chantiers participatifs.

A l’origine…

Tout a débuté par la réunion de quelques artisans du bâtiment passionnés par le patrimoine, curieux de découvrir des particularités locales et désireux de s’impliquer dans la préservation d’ouvrages et de lieux symboliques :

  • fours à chaux, cuisson du gypse et utilisations originales du plâtre local, murs pignons à redents, voûtes, scieries battantes mues par l’énergie des torrents, canaux d’irrigation ou d’alimentation creusés à flanc de vallée, redécouverte d’anciens chemins abandonnés…

La variété des sujets de recherches de l’association a petit à petit montré sa cohérence. Le projet était d’assimiler tout le panel des techniques nécessaires à la construction vernaculaire. Puis progressivement, la vocation pédagogique de l’Université Rurale Montagnarde s’est affirmée.

L’exemple des fours à chaux 

Ayant appris qu’au XIXe siècle, il y avait eu plus d’une centaine de fours à chaux dans notre secteur de montagne, nous avons voulu en savoir plus sur ce matériau essentiel. Certains d’entre nous se sont chargés des recherches documentaires dans les archives communales ou départementales. Les autres se sont répartis les explorations sur le terrain. Nous nous sommes rendus compte que les habitants n’avaient plus une vision bien claire de ce qu’était la chaux ni de comment et par qui elle pouvait être fabriquée.

En 2003, l’URM a été interpellée par une élue de la commune de Valbonnais qui s’interrogeait sur la présence de ruines avec voûtes, près du pont des Fayettes.

Il s’agissait des restes d’anciens fours à chaux, abandonnés suite à un incendie en 1924. Faute d’écrits ou de témoignages vivants pour comprendre le mode de fonctionnement de ces fours, nous avons choisi la méthode expérimentale : dégager les fondations des masses importantes de déchets et chaux durcie qui les recouvraient et analyser les éléments en présence. 

On tenta alors leur remise en route, mais tout restait à élucider : choix des pierres calcaires, dimensions des blocs, provenance, choix du combustible, manière de remplir le four, conduite de la chauffe… Nous n’avions aucune information fiable à ce sujet. Après plus d’un an de tentatives infructueuses, c’est grâce à un déplacement dans l’Allier chez le chaufournier Pinel que nous nous sommes fait expliquer le bon mode de cuisson : en utilisant, comme lui le charbon de La Mure ! Nous avons enfin pu produire notre propre chaux.

Reconstituer le patrimoine montagnard

Rapidement nous avons souhaité sortir de l’entre soi et faire appel à des partenaires pour mieux partager les connaissances et l’énergie nécessaire au bon avancement des chantiers que nos investigations rendaient nécessaires. Par ailleurs, nous commencions à être sollicités par des collectivités et par d’autres associations.

C’est ainsi qu’en 2004 et 2005, le hameau isolé de Rif Bruyant, accessible seulement à pied, après 40mn de marche, est devenu notre principal terrain d’action. Reconstruction de murs, d’une grande cheminée, de pignons à redans, réfection de linteaux en pierre : tous ces travaux devaient se faire en puisant sur les ressources de ce vallon isolé. Les quelques matériaux provenant de la vallée étaient montés à dos de chevaux de trait !

Le chantier s’est poursuivi par le recreusement et la remise en service d’un canal d’irrigation desservant plusieurs parcelles autrefois cultivées.

Là, nous avons mobilisé des jeunes par le biais de la « Maison Pour Tous » de Susville. L’ensemble de ces travaux ont été menés sous le contrôle de l’architecte du Parc National des Ecrins.

Elargir le champ d’action par les chantiers-école

Les années suivantes, les sollicitations se multiplient, nous poussant à intervenir sur des lieux variés : réparation d’une voûte fissurée, drainage et reprises d’enduits à la chaux dans la Chapelle de Versenat. Même remède pour la chapelle de Sersigaud, dont il fallu rebâtir la voûte selon le profil d’origine en anse de panier, après l’avoir entièrement démontée pour renover les briques qui la constituaient.

A Corps, à la chapelle du Coin, c’est tout le décor peint de la chapelle qui nous a été confié. Puis, quelques années plus tard, nous avons restauré le site de la Fontaine Neuve.

A Susville, l’association Puits’Art nous a confié les importants travaux de réhabilitation de la Chapelle du Villaret afin de créer un lieu d’expositions et de rencontres culturelles. Réfection de la couverture en ardoises, création d’une immense voûte intérieure en bois, isolation acoustique et thermique, parquet en châtaignier… Un modèle de réhabilitation et de transformation très abouti, un lieu fonctionnel à l’esthétique originale particulièrement admiré des visiteurs.

L’URM en vitesse de croisière

Après plus de 22 ans d’existence, l’URM continue de fédérer autour de ses chantiers de nouveaux savoir-faire grâce à des rencontres fructueuses. En 2022, au couvent de la Visitation à Voiron, c’est un long mur en pisé de 200 mètres agrémenté d’un portail en châtaignier construit entièrement à partir de techniques de coupe et d’équarrissage ancestrales de bois vert, qui a vu le jour.

Ces chantiers toujours plus nombreux mobilisent tout un réseau de bénévoles des communes environnantes, qui se chargent d’organiser les repas collectifs et hébergent à domicile les stagiaires. Les partenariats se diversifient : GRETA Sud-Isère, GRETA Viva5, CATALPA (insertion de mineurs étrangers isolés), étudiants architectes, organismes de formation du bâtiment… 

Et depuis 2017, l’URM fait partie de l’Union REMPART. Grâce à ce partenariat, de nombreux stagiaires de toutes origines viennent découvrir et pratiquer des techniques spécifiques au bâti ancien en montagne.

Passeurs de savoirs

Parallèlement à toutes ses interventions pour des collectivités publiques ou pour d’autres associations, l’URM s’investit sur la valorisation du lieu qui lui a été confié en 2005 par la Ville de La Mure : la chapelle du château de Beaumont.

C’est là que l’association a entrepris d’installer un pôle de transmission des savoir-faire de la réhabilitation du bâti ancien. Une belle salle de réunion a été aménagée grâce à une succession de chantiers écoles. Sol en plâtre selon la technique de Valbonnais, murs isolés en briques de chanvre, enduits chaux-chanvre, enduits en terre du Royans, sont quelques-unes des techniques mises en pratique sur le lieu et transmises à des stagiaires venant parfois de l’autre bout du monde…

Dans ce bâtiment, il reste plus de 300m2 de locaux à aménager, désormais partagés avec d’autres associations culturelles dans le cadre du projet collectif : le Beaumonde.

Il s’agit là encore de diffuser largement un esprit d’entraide et d’animer la vie locale grâce à des héritages communs partagés. Dans cette optique, l’URM projette de mettre en place un panel de formations spécifiques, sur demande ou à la carte.

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